LUNETTA ET LES CHICHIS.

           Bien que dépressive et désargentée, grand-mère avait malgré tout un certain rang à tenir. Comme la plupart des jeunes femmes de l’époque, elle savait coudre et pouvait ainsi s’habiller à moindres frais avec beaucoup d’élégance. Le dimanche matin, au lieu d’aller à la messe, elle n’oubliait pas son rendez-vous chez le coiffeur, on lui lavait les cheveux, refaisait ses innombrables frisettes et l’on ne manquait surtout pas de poser dans son extravagante coiffure, une multitude de chichis. Les chichis étaient de petits postiches de la couleur des cheveux qu’on ajustait tant bien que mal dans la coiffure des élégantes. Il était amusant de voir un chichi tomber, cela pouvait se produire lors d’un entretien, dans une rue passante, ou tout simplement dans un plat lors d’un dîner en tête-à-tête. Pourtant, il arrivait parfois que les deux gamines aient un peu de bonheur. Les frères, les cousins, les amis en permission débarquaient sans crier gare. C’était alors, jour de fête. Lùnetta était obligée de se mettre aux fourneaux et n’allait pas au cinéma.
           Marie-Dominique était heureuse de la visite de son oncle. Michel, était son préféré. Elle portait le même amour au cousin germain de Lùnetta Antoine-Michel Serpaggi. On l’appelait Anto-Miché. C’était un garçon particulièrement beau et sympathique. Dès qu’il arrivait, Marie-Do se jetait dans ses bras et y restait le plus longtemps possible. Elle pleurait toujours en le voyant partir. Anto-Miché était séduisant jusqu’à l’extrême. Il allait rester dans la pensée et dans le cœur de Marie-Dominique, inoubliable à jamais.