LUNETTA ET LA TUNISIE.

             Parce que Julie-Amélie avait des coliques, Lùnetta décida de quitter la belle Tunisie et de regagner Marseille. La vie était pourtant agréable en Afrique du Nord. On vivait dans des lotissements réservés aux employés de l’arsenal, ce n’était pas du luxe, mais il ne faisait jamais vraiment froid et il  ne faisait jamais vraiment chaud.

            Grand-mère avait retrouvé là-bas quelques Ajacciennes et s’était fait de nouveaux amis. Les Bonrepos étaient originaires de la région varoise, grand-mère les aimait beaucoup. Toute sa vie durant, elle avait formulé le désir de les retrouver. L’affection qu’elle portait à ce couple était si profonde qu’un jour, alors qu’elle se trouvait à Toulon, elle sonna triomphalement à la grille d’une villa. Dans son exaltation, grand-mère Lùnetta n’avait pas réalisé que « Bonrepos », était l’appellation de la coquette demeure.

            Grand-mère était un être extrêmement doué. Elle savait coudre, tricoter, faire de la cuisine. La broderie la branchait peu, quoi que, lorsque naquit ma cousine, elle exécuta des draps aux motifs de couleurs parfaitement remarquables. Grand-mère Lùnetta faisait d’après elle parfaitement l’amour. Cependant, grand-mère n’était guidée que par des coups de cœur. Elle n’aimait pas la monotonie et le fait de préparer les repas 365 jours par an la rendait parfaitement neurasthénique. Ainsi, chaque jour et à chaque repas son mari lui faisait timidement la remarque :

            — Lùnetta, c’est trop salé… Lùnetta, c’est brûlé… Lùnetta, c’est à peine cuit… Lùnetta, ça n’a aucun goût…

            Et chaque jour, grand-mère répondait avec la plus grande désinvolture :

            — Pierre, pour une fois…