LUNETTA ET LE MIRACLE DE LOURDES

Je ne sais pourquoi, Marie-Do décida en période de rosaire de partir pour la bonne ville de Lourdes. Mon frère Pierre était au volant, mère à sa droite. Moi, je me trouvais à l’arrière avec Lùnetta qui ressassait sur ma demande ses superbes histoires. J’étais ravie de partir en voyage, ravie de dormir à l’hôtel. Moins ravie du bain que me fit endurer Marie-Dominique qui prenait plaisir à m’ébouillanter et à me savonner les yeux.

J’étais éblouie par les charrettes des bohémiens traînées par des chevaux.

Dans toute bonne chose, il y a toujours un côté négatif. Les pompes à essence n’étaient pas légion. Dans un village, on nous indiqua une espèce de mécanicien qui œuvrait dans un petit local, c’était à la fois un paysan et un garagiste. Ce bonhomme avait des bidons d’essence munis d’un simple robinet afin de remplir les nourrices de sa clientèle. Des bidons, il n’en avait pas à la vente. Il possédait seulement un vieux jerrycan d’avant-guerre dont il avait égaré le bouchon. Faute de bouchon, il s’obstinait à en souquer l’orifice avec une pomme de terre.

Je me souviens vaguement de la ville de Lourdes, de la grotte et de la basilique. Ce qui m’étonnait fort était que les habitants ingurgitaient de la soupe au repas de midi. Par contre, je trouvais tout naturel de voir la main droite de Lùnetta se mouvoir sans effort. Depuis quelques années, grand-mère souffrait d’une paralysie qui l’empêchait de coudre, de tricoter, de porter des paquets. Cela avait pris fin le jour de son arrivée à Lourdes. Lùnetta avait passé sa main sous le robinet.

— Si ça pouvait durer, disait-elle en remuant sa gentille menotte.

Et cela dura. Ensuite, on oublia. En ce qui me concerne, j’ai toujours pensé que Lùnetta était une miraculée. S’agissait-il d’un pur hasard ? Bien que la croyance de Lùnetta soit très modérée et que sa foi se limitât généralement à une prière intéressée, grand-mère reçut la grâce de l’au-delà. À moins que cette eau miraculeuse ait la propriété de guérir, quelquefois…