JEAN-PHILIPPE D'ORLEANS.

EXTRAIT : LE CHEVALIER ROZE

— Jean-Philippe est le plus adorable garçon. Il est mon cadet de deux ans et nous avons grandi ensemble. Jean-Philippe n’est pas le fils de madame Lucifer, mais celui de la maîtresse de mon père, la belle et douce comtesse d’Argenton. Il lui ressemble trait pour trait et nous avons connu le bonheur ensemble. Je suis triste de quitter Paris, je suis triste de m’éloigner de celui que j’aime. Je suis triste d’être séparée de Jean-Philippe.

Mollement étendue sur un canapé, Charlotte a renvoyé ses domestiques. La présence de Marie est un enchantement, et elle veut lui confier ses bonheurs et ses infortunes. Elle souhaite lui faire partager ses souvenirs d’enfance et vanter les louanges de ce frère qu’elle chérit tendrement.

— Jean-Philippe est apprécié de tous, même de ma propre mère. Il est aimable et enjoué, et il est digne de confiance. Mon père l’a légitimé à l’âge de 4 ans et ce fut une véritable fête. Mon père a été nommé Régent pendant la minorité de notre cousin Louis et les charges l’accablent. Si bien, qu’il a institué son jeune fils général des Galères, à la suite de la démission du maréchal de Tessé. Mon frère prêta serment avec une telle ferveur, une telle passion, que je ne pus retenir mes larmes. Malgré son jeune âge, il prend cette charge très au sérieux. Il s’efforce d’apprendre la navigation et le commandement des navires. À la suite de la démission du chevalier de Vendôme, il a été nommé Grand Prieur de l’Ordre de Saint Jean de Jérusalem. Cette résignation a été confirmée par Clément XI et acceptée par le grand-maître. Il s’est rendu à Malte pour prononcer ses vœux. N’est-ce pas magnifique, pour un garçon de son âge ? En février de cette année, il a prêté serment entre les mains de Louis XV. Il a déjà accompli différentes missions et je pense qu’il deviendra un grand diplomate capable de soutenir notre cousin le roi. Quelle différence avec Louis, mon second frère, le fils de Madame Lucifer. Ce dernier n’a pas un heureux caractère. Il est grincheux et ses voluptés sont poussées à l’extrême. Il s’adonne à la chasse avec une ferveur démesurée, et il prend plaisir avec des filles vicieuses au risque de perdre la santé. Tout comme Jean-Philippe, Louis a été poussé à l’intérêt des affaires de l’État. Il a été admis au Conseil de Régence. Dès le lendemain, il s’est opposé aux décisions de notre père et de son ministre, le cardinal Dubois. Cela est détestable. Il est funeste en toutes choses. Il se livre à des ardeurs charnelles et entretient une fille de la Comédie.