EXTRAIT LE CHEVALIER ROZE

EXTRAIT : LE CHEVALIER ROZE.

Le portail a grincé, le gravier fit un bruit délicat. Encore quelques mètres. Aujourd’hui, il sera inutile de dissimuler et de feindre. Il prendra Marie dans ses bras et il dira à tous qu’elle sera bientôt sa femme. La porte s’est entrouverte et le médecin est surpris de voir un homme poudré et vêtu avec recherche. Le gandin a lancé un œil méfiant et avec une grimace de dégoût il a tendu la canne de Saint-Roch.

— Passez votre chemin. N’espérez pas que l’on vous autorise à mettre un pied dans la maison !

— Je suis Charles de Belmond !

Avec un rictus de révolte, le précieux s’était effacé devant Charles qui avait découvert, consterné, des inconnus affalés sur les fauteuils, des femmes nues qui riaient, tandis que les gandins débraillés les tripatouillaient avec concupiscence. La poitrine offerte, Élisabeth était mollement étendue, son visage fardé grimaçait ironiquement. Couronnée d’un collier, elle avait des bagues à chacun de ses doigts. Elle déclara avec mépris.

— Que vois-je ?

— Que signifie cette mascarade ?

— Cette mascarade est une excellente idée de mon cher et tendre ami Pierre de Joffrey. La peste nous menace, et si nous devons mourir autant le faire dans d’agréables conditions. Chacun de nous a lu Boccace et nous voulons l’imiter. Nous jouons le Décaméron. Je suis la belle Pampinéa qui offre sa maison et pendant que La Faucheuse nous enserre, nous nous délectons en délices et en causeries. N’est-ce pas exquis d’oublier la souffrance, tandis que nous dansons, que nous vidons la cave de mon père, et que nous nous faisons des caresses perverses au son du clavecin ?

— Où est Marie ?

— Elle voulait obstinément rejoindre Cassis. Je le lui défendais ! Cependant, lorsque l’épidémie a fait rage, je l’ai jetée à la porte ! J’espère qu’elle est morte à cette heure ! Mon beau cousin, vous voilà veuf avant de l’avoir épousée !

— Misérable !