XAVIER. LE JEUNE FRERE DE MARIE-DO.

            Marie-Do avait cru que son sang se figeait dans ses veines.  Le Jean Bart était en flammes. Son jeune frère se trouvait à son bord.

            Marie-Do ne pleurait pas, elle n’en avait même plus la force. Elle se mourait, tout simplement, et cela aurait pu vraisemblablement se produire, si Marie-Do n’avait été cette âme forte et raisonnable, cette mère qui ne pensait alors qu’au bonheur de ses enfants.

            Encore une fois, elle devait surmonter l’épreuve. Ses fils avaient besoin d’elle. De plus, son jeune frère pouvait avec un peu de chance, faire partie des survivants.

            Marie-Dominique était effondrée. Malgré tout, elle rassembla ses dernières forces pour se traîner, tremblante de peur, chez la voyante la plus proche. 

— Il n’est pas mort, affirma la bonne femme. Il ne meurt pas. Belle et longue vie lui sont données.

            Marie-Dominique n’avait pas réussi à percevoir chez la bonne créature, la moindre gêne, la plus infime hésitation.

            — Non seulement il ne meurt pas, dit la seconde extra-lucide, mais il n’a pas la moindre blessure. De plus, on le libère de sa geôle.

            Marie-Do n’y comprenait rien. Son frère était sur un bateau, il n’était pas dans une prison. Cette personne était une femme gentille et rassurante. Marie-Do la rencontrait presque chaque matin. Elle habitait dans une rue proche de la Mairie. Son immeuble fut bombardé la nuit suivante. Marie-Dominique ne devait jamais la revoir...

            La troisième consultation fut donnée par une Arménienne. Elle parlait très mal le français, mais lisait dans son marc de café comme dans le livre d’Allah. Marie-Do avait une confiance aveugle en cette femme, aussi alla-t-elle clocher à sa porte et avala le succédané de café qui était exécrable, mais qui avait au moins l’avantage de ne causer aucune palpitation. L’Arménienne fut affirmative :

            — Lui, pas mort. Toi le voir, figure, figure...

            Marie-Do n’était pas sereine, tout au plus vaguement rassurée. Elle devait, dès le lendemain recommencer sa folle virante, attendant de ces créatures, mi-femmes mi-sorcières, mi-anges, mi-démons, l’ébauche d’un espoir, qui seul pouvait lui apporter un peu de repos. Tous les médiums, chiromanciennes, voyantes extra-lucides. Toutes les figures cabalistiques de la tâche d’encre. Tous les jeux de cartes allant de la plus modeste lame, aux plus étranges jeux de tarots, tous donnaient la même réponse : le frère n’était pas mort, il était en prison ! Marie-Do poussait enfin son soupir de soulagement. Une voyante voulait faire plaisir, une seconde pouvait se tromper, mais trois, quatre, cinq... et les autres...

            Son frère était vivant. Son frère allait revenir.