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MBGC Editions Monique Bellini

SOUVENIRS DE MON PERE.

10 Septembre 2020 , Rédigé par MBGC Editions Publié dans #Extraits des livres

 

           

            J’étais encore toute petite, lorsque je décidais d’accompagner mon père sur son grand bateau. Pour la circonstance, j’avais raflé un feutre gris de Marie-Do que j’avais modifié suivant mes goûts, coupant, cousant avec soin. J’avais préparé ce couvre-chef pendant des heures, pendant des jours, avec une ineffable joie, une exaltante fierté. Papa m’adorait. Cependant, il ne pouvait se charger de moi sur son lieu de travail. De surcroît, le paquebot était en cale sèche au Cap Pinède, ce qui signifiait qu’il était très loin.  Mon père ne voulait pas que je l’accompagne. C’était tout à fait naturel, mais je ne comprenais pas. Gentil papa me désolait, me trahissait, et cela était une très lourde épreuve. J’étais malheureuse. J’avais perdu mon bel appétit. Je m’obstinais. Je faisais ma mauvaise tête. Je pleurais silencieusement. Papa ne savait plus que dire. Marie-Do quant à elle, déborda une nouvelle fois d’intelligence et d’imagination :

            — Aux grilles, il y a de gros chiens qui dévorent les enfants.

            Je m’enfermais dans le plus méprisant mutisme. Comment pouvait-elle penser que j’allais gober une pareille ineptie ?

            Enfin, papa joli, chéri, gentil, finit par craquer. Il ne pouvait et ne voulait me faire aucune peine. Il allait m’emmener, cependant il posait une condition : je devais l’attendre dans sa cabine, tandis qu’il s’occuperait de ses charges habituelles. Je n’ai pas le souvenir de ma robe, mais j’enfonçais le chapeau sur ma tête et je me serrais contre mon père.

            Lui et moi, nous avions marché longtemps. Le soleil était haut dans le ciel. Ma main serrant sa main. Je ne ressentais aucune fatigue, aucune chaleur. Seulement le plus merveilleux des biens être. Tout l’après-midi, je l’avais passé assise sur la couchette de la jolie cabine de Papa. Je ne m’étais pas ennuyée une seule minute. Je respirais avec délice l’odeur des navires, cette odeur que je retrouvais avec un bonheur sans mélange chaque fois que je mettais le pied sur un bateau. À un certain moment, un beau monsieur en veste blanche avait ouvert la porte et l’instant de surprise passée, il avait souri et m’avait caressé la joue.

            Ce fut un après-midi de bonheur. De retour, gentil papa, m’avait acheté une carte postale. Je pense maintenant que j’étais faite pour être marin. Toujours avec joli papa, j’avais fait la connaissance d’un breuvage fraîchement importé d’Amérique. C’était le Coca-Cola. Séduite jusqu’à l’extrême, je lui restais fidèle jusqu’à ce jour.

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