EXTRAIT : U CATENACCIU

Dauphiné continuait de déclamer sa récitation apprise dans le courant de l’après-midi :

— Cyrène était alors une colonie grecque d’Afrique du Nord et certains prétendent que les fils de Simon seraient devenus missionnaires et que l’homme réquisitionné par l’armée romaine devait être le premier saint de couleur. Était-il noir, était-il seulement hâlé ? Dans le livre des Actes des apôtres est cité un certain Syméon appelé Niger, ce qui signifie « le nègre ». Les légendes sont nombreuses, tenaces, parfois farfelues comme celle de certains historiens qui prétendent que Simon de Cyrène fut mis en croix à la place du Christ. Pour l’heure, Simon de Cyrène n’est ni noir ni jaune puisqu’il est couvert d’aube et cagoule blanche et il suit lentement le pécheur qui représente le Christ. Après s’être recueilli à la chapelle Saint-Sébastien, le grand Pénitent doit reprendre sa route dans les ruelles abruptes du vieux Sartène qui sont bien mal éclairées. Ces litanies, ce baldaquin cauchemardesque soutenu par les Pénitents noirs, ces gens qui se signent, ces vieilles femmes qui tendent les mains vers Le Catenacciu et qui touchent dévotement le surplis écarlate. Cette cérémonie qui était angoissante devient peu à peu effroyable, on a du mal à subir le chant sinistre des cantiques, le bourdonnement des prières dites à voix basse…